Archéologie, céramique chinoise, histoire du commerce maritime dans l'Océan Indien
Conférences de ZHAO Bing à La Réunion
ZHAO Bing, Directrice de recherche au CNRS, membre du CRCAO (Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie orientale), a été invitée par l'ICR dans le cadre de la série d'événements 2024 célébrant les 60 ans de l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la République Populaire de Chine. Elle a été accueillie pour des conférences sur l’Université de La Réunion et le Musée des Arts Décoratifs de l'Océan Indien. Depuis 1998, ZHAO Bing collabore régulièrement avec des archéologues européens sur une vingtaine de sites portuaires ou d’épaves en Asie du Sud-Est, en Arabie et en Afrique, en se chargeant de l’expertise du matériel de la céramique chinoise et sud-est asiatique. https://www.crcao.fr/membre/bing-zhao/
Le jeudi 28 novembre 2024,
avant sa première conférence, Zhao Bing a été accueillie par Anne Laure Garaïos, directrice du MADOI et attachée de conservation du patrimoine, qui lui a permis de découvrir l'histoire de l'ancien domaine caféier de Maison Rouge, et la vocation nouvelle de ses écuries reconverties en espace d'exposition temporaire, qui met en avant une collection patrimoniale illustrant l'art décoratif entre l’Europe et l’Océan Indien. Zhao Bing a ainsi pu découvrir une certaine histoire de La Réunion à travers la visite guidée de la nouvelle exposition du MADOI "De Canton à l'Europe, le goût de l'or blanc : Le voyage de la porcelaine". Lexposition avait été inaugurée peu avant son arrivée , mi novembre 2024, et elle durera jusqu'à février 2026.
Ce jeudi 28 novembre, la première conférence de Zhao Bing à La Réunion "Fragments de céramique, fragments d’histoire maritime globale : les cargaisons de céramiques chinoises des épaves (9e-15e siècle)" s'est faite pour le public du MADOI. Près de 30 personnes étaient présentes. A travers son expérience accumulée et développée sur l'expertise de céramique chinoise post fouilles archéologiques maritimes, Zhao Bing a pu montrer l'apport de l'études des matériaux à la recherche historique, la valeur marchande qu'a pu avoir la céramique chinoise par le passé, et la contribution majeure des fragments de céramique à la reconstitution d'une histoire d'une globalisation et une intensification des échanges des cultures et des peuples qui peut être remontée au 9è siècle grâce à l'étude des tessons de céramique chinoise en Océan Indien. Les cargaisons de plusieurs épaves ont été balayées avec le public, de Brunei au large du Golfe Persique, représentatives de 4 phases avec chacunes leurs caractéristiques et leurs acteurs (marchands, producteurs, commandes types, techniques de navigation et de chargement des bateaux, techniques de fabrications chinoises et lieux de production en Chine etc). Pour n'en mentionner qu'une, l'épave dite de Brunei, a fait l'objet fin des années 90 de fouilles archéologiques avec des moyens inédits car financés par la compagnie Elf Aquitaine, c'était un cadeau diplomatique de la France au Sultan de Bunei. Zhao Bing était une des expertes de la céramique chinoise sur place, au sein d'une équipe scientifique de près de 200 personnes. https://archeologie.culture.gouv.fr/archeo-sous-marine/fr/brunei-borneo | Vidéo la mémoire engloutie de Brunei https://www.youtube.com/watch?v=hZli1uYeHPo.
Le lundi 2 décembre,
le public du nord de l'île a pu profiter de cette même conférence, "Fragments de céramique, fragments d’histoire maritime globale : les cargaisons de céramiques chinoises des épaves (9e-15e siècle)" , sur l'université de La Réunion; campus du Moufia. Près de 50 personnes étaient présentes, un public (étudiants et personnes extérieures à l'UR) qui s'est passionné pour le contenu de cette conférence et qui a longuement questionné la conférencière pendant le temps imparti aux questions / réponses.
Le jeudi 5 décembre,
Zhao Bing retrouvait le public du MADOI pour la conférence intitulée "Les échanges sino-africains au prisme du commerce et de la consommation de la céramique chinoise dans le monde Swahili en Afrique orientale (9e-16e siècle)". Une 30 aine de personnes étaient présentes, certaines ayant fait le chemin depuis le nord. Cette deuxième thématique de conférence est allée plus en profondeur sur l'apport de la matière céramique chinoise pour l'archéologie. Zhao Bing a fait un focus sur les traces de céramique chinoise en d'Afrique de l'Est (îles : Madagascar, Mayotte, Comores, Archipel de Lamu ... et ports marchands côtiers en Ethiopie, Tanzanie, Kenya, Somalie, Mozambique...). Sur cette partie d'Afrique, on retrouve systématiquement des fragments de céramique chinoise dans les anciens ports de commerce et anciennes cités marchandes, mais elle ne représente qu'un pourcentage infime (moins d'un pour cent) sur la totalité des tessons de céramique en général sur ces sites (la production locale composant la majorité des trouvailles). En raison d'une part de la résistance de ce matériau dans le temps d'une part et d'autre part la documentation scientifique relative à la production de céramique en Chine, très fournie et éprouvée (comparaisons avec les données de sépultures, sites cultuels ou de pouvoir...) , les experts disposent de données techniques, géographiques, temporelles fournies par la matière elle même, ce qui permet de dater l'objet de céramique avec précision, la marge d'erreur est contenue entre 20 et 50 ans. Aussi la présence de la céramique chinoise dans cet espace géographique témoigne de l'intensité des échanges marchands entre le monde de l'Océan Indien, le monde arabe et le monde chinois dès le 9è siècle. Les motifs décoratifs et de calligraphie arabe dans la matière céramique chinoise confirment la présence aussi d'une communauté arabe en Chine très tôt. Le public a été amené à s'interroger avec la conférencière sur la valeur marchande et culturelle de la céramique chinoise sur ces différentes époques balayées. Le fait de retrouver des monuments funéraires somptueux de marchands swahilis ostensiblement ornés d'objets en céramique chinoise, alors qu'ils sont rares (moins d'1%) signe la grande valeur qu'avaient ces objets, dont la mise en avant servait à faire valoir le statut social de ceux qui pratiquaient le commerce de ces objets venus de Chine. On comprend aussi qu'au delà de l'utilité même des objets, la céramique produite et achetée en série servait de monnaie d'échange contre des matières premières précieuses d'Afrique : plantes médicinales, encens, bois pour construire les bateaux ... etc. Comme pour les séances précédantes, le public s'est passionné par la démarche de Zhao Bing et le champ des recherches ouvertes par son expertise de la céramique. Après une séance de questions / réponses très nourrie, le public a été invité à continuer de suivre ses publications et à la retrouver à sa prochaine venue à La Réunion !